Chronique #520 : Golden bags

13 avril 2005 0 Permalink 0
hang on to your ego – frank black
times to keep windows open
Ce soir, t’as envie d’écrire mais tu sais plus très bien par quoi commencer. Elle va se coucher. Tu soupires. «hey, t’es pas obligée, c’est pas un travail.» – «nan, c’est pas un travail, c’est un challenge» – «ben voilà, t’as qu’à commencer par ça, ça fera une première phrase très acceptable, ça» – «bah ouais».

Et puis après. Et puis après, si on récapitule, on t’a filé les clés d’un appartement. Une maison de poupée, des jolis parquets. C’est une histoire rocambolesque et ça prend tout le temps des heures pour la raconter. Les coïncidences, les fils croisés. Un truc trop beau pour être vrai. Et tu disais qu’il ne t’arrivait jamais rien d’étonnant. Mais passons. T’as signé le bail pour trois ans. Tu as du temps pour t’installer dedans. Imaginer, aménager. D’abord il faudra faire les cartons. Trier, ranger, jeter. Tu savais pas quoi faire de tes affaires. Comme si t’avais pas tellement envie d’apporter ici des tas de choses de la vie d’avant. Mais en même temps. Tout foutre à la poubelle, ça te dérangeait. Les filer à Emmaüs, ou au Secours Populaire, ça voulait dire faire le tri, ça non plus t’avais pas envie. Y a qu’à tout brûler, tant qu’à faire. Et puis t’arrivais pas à t’y mettre. Inertie dans le rouge. Fait trop froid au grenier. Et puis c’est constellé d’araignées. Et puis il exagère, ton père, c’est pas tant de boulot que ça finalement, etc. Seulement maintenant on dirait bien que la vie s’en occupe, de tes affaires. Elle t’organise des solutions toutes prêtes, clés en mains (ah ah). Tu vas pouvoir les vendre, tes affaires. Et c’est vachement symbolique question prise de valeur. Vachement motivant pour quelqu’un qui a besoin de connaître la ligne d’arrivée avant de prendre n’importe quel départ. Quel pied. Pas étonnant si t’as plus envie de dormir, ma grande. Comme elle t’a dit, et c’était joli, «en résumé, maintenant, t’as envie de voir le jour».

Et puis après, si on continue de récapituler, il y avait le travail. Mais qu’est-ce que tu vas faire de ta vie, c’est quoi ton projet professionnel, tu as envie de faire quoi comme boulot, dis, oh. Bof. Aucune idée. Tu veux une vie de bohème, tu veux rencontrer des gens, tu veux pas avoir de chef, ni de cantine pour le déjeuner, ni les rumeurs de la machine à café, tu veux plus jamais voir cette docilité, ces gens résignés, tu veux t’amuser, tu veux pas en rajouter dans la tristesse quotidienne, ça tu sais faire toute seule, pas besoin d’aller le constater chez mabelleentreprise.com et ses chèques vacances pour partir au club med cet été. Marre de la politique du qui c’est qu’aura le le plus grand bureau au prochain déménagement, et des alliances réversibles, et des rancoeurs, et tous ces projets qui comptent pour du beurre. Tu préfères encore travailler avec des vrais branleurs. Des pas sérieux, des beaux parleurs. Des gens qui se prennent pour ce qu’ils sont, pas besoin de se la raconter hein, le truc c’est d’être là au bon endroit et au bon moment. Tout le reste c’est du flan. Des trucs inventés pour pas désespérer les gens. Faut bien les occuper, leur faire croire. C’est pas comme si vous aviez le contrôle. Et puis la chance, c’est toujours un aimant puissant. Des fois qu’il en tombe à côté et que tout le monde puisse en profiter. Autant l’admettre hein. C’est quoi ce besoin de toujours se justifier en enfilant des costumes ridicules. Comme s’il fallait s’excuser d’avoir du bol. N’importe quoi. Bref. Autant dire tout de suite que tu ne voyais pas tout à fait vers quel métier te diriger, fatalement. Mais voilà. Dans ta vie, en ce moment, t’as même plus besoin d’appeler les pages jaunes.

Et puis après, tu te dis qu’il faut arrêter de récapituler. Inutile d’aller traîner du côté de là où tu pourrais t’apercevoir qu’il manque une troisième chose. Inutile d’aller creuser du côté de l’attente. Tu attends quelque chose qui n’existe pas. Tu ne demandes rien, tu veux un coup de baguette magique. Qu’on vienne te chercher, comme vous disiez. Tu te dis qu’il va falloir y passer. Que c’est précisément ce qui t’attend, en rentrant. Que t’as louvoyé des semaines pour faire comme si t’avais oublié. Comme si c’était pas du tout important, comme si tu savais pas par quel bout le prendre, alors tu attends, tu attends. Inerte. Immobile. Il va falloir y aller.

Tu parles d’un challenge.

c’est chiant cette impression parfois d’un truc qui manque… comme une déconnexion.

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