Léon a perdu sa dent. The first one. L’autre a déjà poussé, derrière. Pour fêter l’événement, t’as fait péter la mise en scène. Un courrier officiel de Madame La Petite Souris herself, avec le cachet de la poste faisant foi dans la région plus ou moins vaste du pays du Père Noël. Tu ne sais pas si il y croit, ou pas vraiment, il est à la frontière entre le jeu et l’imaginaire, là où on commence à savoir que tout ceci n’est pas vraiment vrai, et alors, c’est pas grave, puisqu’on préfère y croire. Un peu comme toi finalement. Bordel ELLE t’a coincée dans les grandes largeurs. L’air de rien, en plus. L’air de se foutre de ta gueule, franchement, maintenant que tu y penses. Ah ah. Bien joué putain. T’en reviens pas. T’as parlé, parlé, parlé. Dans tous les sens et vas-y que l’association libre est plus forte que toi, lieutenant Callaghan. Et vas-y que tu sais même plus où t’en étais. Aucun contrôle. Il y a trop de sens. Girouette, manège, tu ne sais plus vers quoi tourner la tête. Tu parles. T’es même venue pour ça. Et tu vas la payer, d’ailleurs, pour qu’elle t’écoute. Tu vas payer cette nécessité que tu as souvent de parler sans t’arrêter comme s’il fallait identifier, mettre des mots partout, tout le temps. Chez ELLE t’es sûre que tu vas pas en faire un fromage, de tes bavardages mono-maniaques. Chez ELLE c’est d’ailleurs le but, de s’écouter parler. Tu ne sais même plus ce que tu lui as dit ni dans quel sens. T’as lancé des tas d’informations. T’as conclu.
Ayé c’est fini le résumé, je peux m’en aller maintenant, je crois. T’es partie. T’as pas mis longtemps à décrypter, cette fois-çi. Bordel elle t’a clouée. T’as rien vu venir, coincée dans ta représentation à la sauce meta-symbolique. Et puis le flash. D’ailleurs tu sais même pas si c’était conscient, chez elle. Tu penses à ce que tu avais lu l’année dernière, cette histoire de sujet-supposant-savoir, tu penses au transfert et au contre-transfert, t’as pas envie de creuser tellement après tout, pour l’instant tu préfères y croire. Une étincelle analytique. Voilà qui te pose un mot sur ce truc qui s’est passé et tant pis si ça n’existe pas comme concept. On dirait que ça existerait, il faut bien expliquer que ça n’a rien de magique. C’est impossible qu’ELLE devine ce que tu fais semblant d’ignorer. T’as compris le truc finalement, c’est une bonne nouvelle. T’as compris que l’équation, elle doit être mathématiques. Elle doit être dans cet univers que vous bâtissez, dans ces échanges particuliers. Comme c’est pratique, dis-donc, t’adores ça les mathématiques. Ah ah. Tu vas pas faire la fière longtemps. Parce que voilà. Tu voudrais éviter d’en parler. C’est tentant de refouler. Chez ELLE t’as tout dit, mais sans rien dire. Evidemment. T’as dit l’épuisement, la lutte qui s’éternise, les portes fermées. L’autre qui veut sortir, la pas jolie. Tu lui as dit que t’arrivais pas à regarder. ELLE a parlé de socle et t’as pris ça comme un encouragement à continuer. Allez-y maintenant il ne peut plus rien vous arriver, regardez. Oui mais. Tu peux pas dire. Tu veux pas parler. Tu peux pas raconter ce que tu viens de comprendre. Le symbole des morts-vivants, ce gros putain de truc qui s’est révélé comme si c’était l’évidence depuis toujours, alors que non, pas vraiment, tout de même. Tu peux pas, c’est aussi simple que ça. D’ailleurs t’es même pas sûre de pas te gourer dans les recoupements. Soupir.
Et toi… Alors toi pendant ce temps là, tu rigolais. Ah ah. T’as rigolé toute la journée. T’as pris le train avec le dernier Selby, et t’as rigolé à toutes les (cinquante premières) pages. Les gens te regardaient un peu étonnés, whatever… T’as écouté n’importe quoi dans tes oreilles, NIN et Rage Against The Machine, et tu rigolais. Dis donc on dirait que l’ambiance vient radicalement de changer. Welcome to new moon. T’as souri à la fille du café, depuis le temps, tu pensais que peut-être tu n’en connaîtrais plus, mais si, elle t’a reconnue… T’avais rien organisé, rien décidé pour une fois, t’as un peu marché… Tu t’es installée et tu as commencé à parler, voilà quand même j’ai un problème et bon c’est un peu emmerdant comme problème… T’es partie et tu rigolais, des gens partout mais pas beaucoup, t’as pris des photos… T’es rentrée et tu rigolais sous la pluie, que c’est agréable il ne fait plus nuit, et Stevie Wonder dans la voiture… Léon te dit qu’il a perdu sa dent, sa dent de devant. Ton petit garçon devient grand. Quelle jolie vie. Tu mets en scène, c’est toi la magicienne.
Mais ce soir tu rigoles plus. Tu vous trouves très douées ELLE et toi. Un peu trop même. Et t’oses même pas imaginer l’ampleur du raz de marée que vous venez de soulever.
une première dent ça vaut bien cinq euros, et ouaip… et merci d’avoir attendu mardi, madame la première dent.
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