
Tu te souviens. Le giratoire, les issues bouchées. Le désespoir. Ces nuits allongée sur le bitume, est-ce qu’il y a quelqu’un quelque part, et les étoiles filantes. Ces semaines défoncées. Cette envie de crever comme une bulle qui éclate, sans faire de bruit. Disparaître, seulement s’effacer. Tu ne pouvais plus prendre cette responsabilité, tu attendais, ravagée. Tu voulais te laisser couler. Tu t’en foutais de toi et de ta vie, considérablement. Ça t’intéressait plus du tout comme aventure, c’était ça l’idée. Tu t’étais enfermée, qu’on te foute la paix. Il aurait fallu te gommer. Vivante et déjà morte, bon sang mais qu’est-ce qu’on attendait pour balayer ta poussière, à croire qu’on t’avait oubliée encore une fois sur cette terre, et merde, même pas capable de réussir ta sortie… Et puis un jour, il y a eu une terrasse de café. Les souvenirs sont brouillés. C’était une période tellement curieuse. Tellement affreuse. Elle t’a écoutée. Elle t’a invitée. Elle t’a reposée. Elle t’a montré des images. Elle t’a fait réaliser que c’était pas vrai, les stratagèmes et les barreaux des prisons dans lesquelles les gens croient qu’on les enferme. Elle a dépeint les contours de la tienne. Toute cette énergie dépensée dans des combats surranés. Tous ces emmerdements auto-créés. Les ailes des papillons qui déclenchent des tornades. Les luttes inutiles. Les limites à définir, à inventer. Les bases. Adam et Eve. C’est incroyable l’espace que ça a créé. La liberté, la bienveillance. La confiance. L’abdication. T’as abandonné la lutte. Plus envie de subir, plus envie de coquille d’oeuf sur la tête, plus envie de geindre. Merde, ça suffit. C’est vachement plus rigolo d’entrer dans la bataille, vachement plus rigolo de garder ses parts d’ombre bien au chaud, sous la couette, avec ton pyjama. Tu les connais bien maintenant hein. Tu t’en amuserais presque, tellement elles sont prévisibles. Pas de bol les démoniaques, je vous ai repérées. Tu sais où elles essaient de taper. Tu les laisses s’amuser. Interdit d’interdire. Ça les fait pas rire, je te prie de croire. Elles ont perdu leur pouvoir. Crampons glissants. Ça va dévisser sec les filles. RIP. Ou pas. Tu t’en fous maintenant hein. Finalement tu les aimes bien. Tu vois ta vie se dessiner ici et t’affiches un air ravi parfaitement crétin. Tout va tellement bien. C’est pas comme si tu t’inquiétais parce que ça dure jamais ces extases d’habitude, hein. Même pas peur. Tant pis si ça s’arrête demain. Tu capitalises. T’emmagasines. Pour te souvenir. Tu te dis que c’est féérique. Tu te dis qu’elle t’a tendu la main et que tu as attrapé la sienne. Libre-échange. Espace-libre. Et tout à inventer dedans. Et ça te plaît, et ça t’enchante, et ça te pose là, sur le sol, jambes tendues et regard droit devant. Comme l’impression d’avoir été révélée. Elle t’a révélée. Il était temps.
Tu discernes plus bien ta responsabilité, évidemment. Les bonnes nouvelles s’enchaînent plus vite que tes sales manies d’avant. Joy-perfusion. Right here, right now. Tu réalises lentement. Ton rôle, ta pièce à jouer. C’est moi qui l’ait fait. Terminé l’inertie bordel. C’est vachement mieux quand tu tiens les rênes. For the first time of your life. A la vie, à la mort.
Ouais c’est ça, pile ça.
A la vie, à la mort.
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