C. t’écrit que c’est comme une balle qui roule sur une surface plane jusqu’à trouver son équilibre naturel mais toi tu penses à des cadres. Des murs, des espaces dans des cubes translucides, des frontières. Ce qu’il y a dedans et ce qu’il y a dehors. Les bases. Ces trucs élémentaires dont tu n’avais ni idée ni conscience. Moi et les autres. Les autres et moi. (
tu n’es pas le prolongement de ta mère). La subjectivité. Les miroirs déformants. Les projections. Les points de vue, la vision d’ensemble. Les repères. C’est l’histoire de Platon et sa caverne. T’as du mal à démêler mais tu le vois bien que c’est une révolution, un apaisement. C’est énorme, c’est énorme comme révélation. Tu ne trouves pas les mots, d’ailleurs, pour dire le calme et les sourires, l’évasion, la certitude. Comme si t’avais trouvé une putain de clé, décodé un message secret, le truc qui te permet d’ouvrir la porte vers le deuxième niveau. Tu explores les douleurs et remues très loin le couteau dans les plaies mais t’as plus aucun succès, les démons sont endormis, fatigués,
tu veux vraiment nous réveiller ? Motivation zéro. Ils laissent la place aux jeunes, comme on dit, seulement les outsiders n’ont ni leur endurance ni leur expérience, alors c’est fatalement simple de les débusquer. Il y en a un là-bas, planqué sous une table du CE1B, tout près du loup qui s’en moquait. Répétition, réparation. Tu vas aller le chercher, tu vas essayer de pas trop pleurer. T’es vachement émue, tout le temps. Comme si on t’avait montré à quel point t’avait plus à t’excuser d’être là. Comme si t’avais viré les oripeaux mal taillés, trié les poubelles, rangé les cartons. Jolie synchronisation. Il y a du vide, il y a de la place, et toujours ce sentiment d’espace.
La liberté. Tu écris la chronologie, tu organises les événements, il s’agit de réassurer la confiance, tu vois les angles, tu donnes ton sens. Il y a un mélange inconnu, une nouvelle alchimie. T’es étonnée par l’harmonie. Fascinée, voilà le mot que tu cherches. Fascinée. Perchée en haut de l’arbre. Bien installée. Tu te dis que ça va durer, c’est obligé. C’est fatal, même, comme la naissance d’un bébé. Le truc que tu peux pas oublier. Le truc que tu peux pas perdre. T’as appris à lire. A l’intérieur, tout le monde se tait. Il y a des rires, sans gêne. On s’amuse, tu t’attendris. Mais que tu étais bête. Mais que tu étais perdue. Mais que tu as manqué de cadre dans ton univers en expansion. Tu vois les scènes de crises. La parano omniprésente. Terrifiante. La distance que tu avais pris avec la réalité. Le regard circulaire, en dedans. Toi et le monde à ta façon. Comment est-ce que tu en es arrivée là. Il manque encore des points sur la carte. T’es sidérée par l’évidence, comme flottante, comme réconciliée. Tu te dis que C. fait partie de l’histoire mais tu ne sais pas à quel point elle en a conscience et whatever, whatever. Things and opposite. Il faudrait perdre cette habitude de raconter des histoires pour commencer à en écrire. Tu te dis que si E. n’avait pas dessiné l’espace, tu n’aurais sans doute pas pu regarder les premières images. Tu vois les enchaînements, le ballet. Les pas chassés. T’as confiance.
T’es rassurée.
(il y a de l’air madame, des fenêtres ouvertes… we’ve got the crazy feeling – na na na…)
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