Chronique #503 : Exhausted

18 mars 2005 0 Permalink 0
a horse with no name – america
givin’it a break…
Quelle fatigue. Tous ces mots. Toutes ces images. T’avales des kilos d’oranges, tu te dis que tu manques de vitamines. Tu voudrais t’allonger et qu’on éteigne la lumière, tu voudrais t’endormir sans bouillon ni contrôle, tu voudrais te réveiller saoulée d’avoir trop longtemps somnolé. Tu voudrais du silence, ou seulement la voix des autres. Tu voudrais te reposer. Le temps t’angoisse. Celui qui passe. Ceux qui vont disparaître. Tu parles. Tu parles trop. T’as foutu par terre l’intégralité de tes placards. Tu regardes. Tu classes. Tu tries. Tu ranges. Tu changes d’avis. Tu tourbillonnes. Ton cheval rigole. Des années qu’il ne s’était pas amusé comme ça.

T’as envie de pas avoir le choix. Quelques heures en tous cas. T’enfoncer dans un fauteuil rouge sombre, relâcher tes muscles et te fondre au décor. Laisser tes yeux s’accoutumer à la pénombre. Commander n’importe quoi. Un thé, de la chantilly, des crêpes au nutella. Manger des abricots et sucer les noyaux. Entendre les rires, les chuchotements. Observer les vies des autres qui sont là, autour de toi. Imaginer des histoires. Inventer des futurs possibles. Cette femme là-bas qui n’écoute pas ce qu’il lui dit. Cette autre qui les regarde, follement furieuse. Tu vois bien qu’elle hésite à se lever, il y a des impatiences dans ses mouvements, des humeurs dans ses jambes. Est-ce qu’elle veut partir ? Probablement pas. Cette femme là, c’est du genre à coup d’éclat. Elle ne laissera personne prétendre qu’elle n’existe pas. Il faut qu’on la regarde et qu’on l’écoute, question d’habitude sans doute. Elle attend. Elle s’est préparée, longtemps. Elle frissonne. Pas très malin d’avoir enfilé une robe si courte, finalement. Un peu crétin de s’être mis sur son trente-et-un. Elle regrette le prix de ses bottes, des gucci hautes en velours noirs. Un mois de pourboires. Elle n’avait pas hésité une seconde en poussant la porte du magasin, pourtant. Une griffe. Une arme. Elle s’est trompé de bataille. L’autre femme porte un pull en grosses mailles torsadées sur un vieux jean rapé. L’autre femme a commandé un burger et des french fries, comme pour passer le temps, tandis qu’il gesticule, en face. Il s’explique, il supplie. Elle s’en fout. Elle regarde ses pompes, une paire de new-balance qu’elle a acheté il y a trois ans. Elle se dit que demain elle s’offrira des puma, les camel. Elle se demande s’il en a encore pour longtemps. Son regard croise le tien. Elle te lance un sourire désolé, elle hausse les épaules. De lui, tu n’aperçois que le dos un peu voûté, parce qu’il est penché vers elle. Il a passé sa cravate par dessus son épaule gauche, un réflexe. Il ne touche pas à son assiette. Il parle, il veut convaincre. Il reprend son souffle, il avale une gorgée de bière. Chacun dans son one-man show. Chacun sa bulle. Ils ne se voient pas. Plus loin il y a un piano et son pianiste, un homme sans âge. Son visage est ridé. Marqué. Il est ailleurs. Dans sa musique. Tu te laisses envahir, tu fermes les yeux. Tu es à Nashville, Tenessee. Tu es posée là comme si tu n’y étais pas.

Tu flottes.

nouvelle compil et nouvelle radioblog sur pennylove.net, pour ceux que ça intéresse.

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