Chronique #161 : To be or not to be Borderline ?

02 juillet 2004 0 Permalink 0
Je suis littéralement fascinée par l’horizon qui s’est prodigieusement élargi devant moi. J’allais écrire effacer. Joli lapsus.
Et qu’est-ce que ça change ?
J’ai tout à coup un immense respect pour Freud. Comme si j’avais vécu symboliquement un avant et un après Freud. Comme si l’analyse freudienne venait d’être inventée. Comme si je découvrais le paradis perdu.

*On* m’a toujours caché la psychanalyse. *On* m’a toujours mise en garde. Patati patata c’est des intellos à la petite semaine obsédés par le cul, tous ces gens là. *On*, c’est à dire mon père, qui bien qu’ayant épousé une bac+4 en psycho – qui soit dit en passant n’en a strictement jamais parlé, ou même n’a jamais paru spécialement passionnée par le sujet, je n’ai su que très récemment qu’elle avait basardé tous ses bouquins de fac (dont l’intégrale de Freud, on en apprend tous les jours…) – mais je disgresse. Mon père donc, dont la mère est tombée sous la coupe de canailles (comme disait Lacan) plus ou moins affiliées à l’école de Françoise Dolto… Des morpho-psycho-analystes, des astro-psychologues, des hypno-pendulo-kynésiologistes, et autres illuminés patentés, qui ont selon mon père détournée ma grand-mère de son intention première, enrichir son activité d’orthophoniste grâce aux travaux de Françoise Dolto. Ma grand-mère, relativement obsédée par le cul. CQFD pour mon père, grand résistant à tout ce qui n’a pas de réalité scientifique tangible.

*On* c’est donc mon père, mais ma mère un peu aussi. J’ai toujours su qu’elle avait fait quatre ans de psycho, mais c’était comment expliquer très… académique. Très détaché du sens, très vide de sens. Finalement, dans la famille, c’est un peu comme si ma mère n’avait jamais fait d’études. Comme si sa vie avait commencé avec mon père, le reste est insignifiant. Ma mère a été enfant, puis a été mère. Entre les deux je ne sais rien, des bribes, mais pas grand chose, et totalement vide, voire déplacé, comme un sujet tabou. Interdit d’y mettre les pieds. En ça, mon père a imposé ses règles, probablement très insidieusement… Cristallisation de l’Accident, alors que ma mère suivait ses études. Naissance d’une abnégation de circonstances, refoulement.

Bref. La psychanalyse et ses miroirs déformants, il ne fallait pas s’en approcher. Territoire du diable.

Et puis la bulle a éclaté. J’ai été emportée par un tourbillon, et malgré quelques tentatives réclamées par mon père et relayées par ma mère pour essayer de trouver une pathologie organique responsable de la crise, malgré la chimiothérapie intensive, malgré toutes ces résistances qui se sont envolées les unes après les autres, j’ai finalement ouvert la boîte de Pandore. Quelle révélation. J’ai soif, soif de comprendre et de savoir. Une attitude un peu narquoise aussi, un air de défi, hé toi la névrose, tu es démasquée, prépare toi à périr sur l’autel freudien.

Seulement restent des comportements irraisonnés. Mes crises de parano par exemple, tout le monde m’épie tout le monde me regarde tout le monde guette une erreur, tout le monde veut ma peau. Evidemment j’arrive à rationnaliser, à me raisonner, à dédramatiser. Oui mais… du coup je me trouve des étiquettes. Je lis, au hasard de mes découvertes hypertextuelles. Lectures sur deux registres, plutôt universitaires sur les sites des sociétaires, SPP, APF (bouffée d’oxygène sur ce site aujourd’hui, pas besoin d’une analyse didactique pour être accepté en formation chez eux, youpi, oui bon faudrait déjà que je sois un peu plus avancée dans mon analyse, stop-à-la-projection…), Freud-Lacan.com, etc. ; et lectures plus… subjectives, superstitieuses sur des sites souvent moins conventionels et souvent canadiens. Si les premières me ravissent littéralement, m’épatent, me comblent… les secondes sont subversives, inutiles, des éraflures sur des plaies toujours pas fermées. Je m’inquiète. Et c’est toxique. Suis-je un état limite, un borderline ?

En plus limpide, est-ce que j’ai une pathologie, une vraie ? Est-ce que je suis plus, pire, ou je ne sais pas quoi, que simplement multi-névrosée suite à un stade quelconque (oral, mon avis du moment !) mal négocié, à un complexe d’Oedipe latent, à un déséquilibre mal géré entre le ça et le surmoi qui luttent au pays de l’Inconscient ? Et qu’est-ce que ça change ?

C’est surtout ça. Qu’est-ce que ça change ?

RAS au bureau, si ce n’est l’impression galopante d’avoir été associée à une guerre interne à laquelle je suis totalement étrangère, comme aide de camp d’un lieutenant. Et que le reste tout le monde s’en fout. Du coup, suis beaucoup plus performante – sic.
Départ de Loustic perturbant, il a très bien senti la faille. Et moi partagée, envie de lui et moi enfin seuls et envie d’être toute seule… Mais la parano de l’Accident était finalement plutôt peu résistante, joli progrès.
Eu C. au tel. Mieux que d’hab, symptôme moins virulent… mais pas totalement évanoui, il a fallu que je balance des détails qui ne se disent pas, que j’interprète mon mini-malaise derrière et son silence comme la reconnaissance de ma bourde, et que je découvre ensuite que tout ça c’était pour pas affronter l’émotion «tu sais ça lui fait beaucoup de bien…» évocatrice de MR, MR principal objet pendant des années de mon transfert, MR décédée subitement, me privant d’objet… MR, à qui me fait beaucoup penser ma psy (je commence à comprendre pourquoi je l’ai choisie).

No Comments Yet.

Leave a Reply

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *