Chronique #175 : Ermitage

17 juillet 2004 0 Permalink 0
Une journée parfaite. En même temps, ça m’inquiète. C’est pas logique, de se complaire comme ça dans une bulle.
Tout ce que j’aime.
Aucune contrainte, rien. Personne pour me dire quoi faire, personne pour me solliciter. Personne, même pas Loustic, et c’est bien ce qui me dérange.

Pas de nouvelles depuis deux jours. Je me suis imposée de ne pas lui téléphoner avant dimanche soir. Pour éviter de me prendre des remarques désagréables, un peu, mais surtout parce que ça me blesse de l’entendre raconter qu’il s’amuse. C’est pas très logique, car en même temps je culpabilise beaucoup quand il pleure au téléphone, et ça me met en colère aussi, mais bien sûr cela me rassure également, j’aime qu’il ne se sente bien qu’ici avec moi, j’ai tellement peur qu’il parte définitivement vivre avec son père, quel échec, quel drame, j’aurais voulu que son père disparaisse, s’évanouisse.

Pourtant, aujourd’hui, il ne m’a pas manqué. Pas manqué, les incessants « Mamaaaaaan » qui finissent par m’excéder. Pas manqué, de ne pas devoir le nourrir, l’habiller, l’occuper, le laver, l’amuser… Ce qui me manque, c’est ses câlins, son amour. Parfois, souvent devrais-je écrire si j’étais un peu plus honnête, j’ai l’impression qu’il me bride les ailes. Ou plutôt que je me suis brisée les ailes toute seule, volontairement, en le mettant au monde. Parce qu’à l’époque, je pensais que ma vie était dans la maternité, dans l’image d’épinal que je m’étais dessinée. Parce que je ne pouvais pas croire que son père ne rentrerait pas dans mon scénario, qu’il m’imposerait une rupture, un bouleversement des plans. Parce que j’avais envie d’être une mère au foyer, comme la mienne, avec quatre enfants, comme la mienne, sauf que moi en prime j’aurais été écrivain, plutôt que jouer au bridge ou prendre des cours de couture.

Parce que je n’imaginais pas que la naissance se passerait comme ça, que les premières semaines seraient aussi difficiles, aussi angoissantes. Parce que j’imaginais que la naissance de mon fils mettrait un point final à mon mal-être, à mon adolescence, parce que je pensais qu’il me changerait en femme. Bye bye ma fille, voici une femme. Evidemment c’était complètement faux.

Je ne sais pas comment je réagirais si le ventre de ma psy (j’allais écrire ma mère… quel lapsus…) s’arrondissait. Chère psy si tu me lis, je crois que ça n’est pas trop le moment. Dans deux ou trois ans, peut-être (Inch Allah). Mais là tout de suite, je sais bien quelle serait ma réaction. Jalousie totale, elle-a-dans-sa-vie-quelqu’un-qui-l-aime-tellement-qu’il-lui-a-fait-un-enfant… (car évidemment, ma psy ne pourrait pas se trouver enceinte par accident, pas plus qu’elle n’aurait souhaité faire un bébé toute seule…). Immédiatement derrière, ricochet, grosse crise de mégalo : MOI je sais ce que ça fait d’être enceinte, d’avoir un bébé, si vous voulez des conseils sur l’allaitement je suis une pro, ah bon vous n’allaitez pas mais vous n’avez pas honte, vous êtes folle, c-est-tellement-génial-d-allaiter (tellement génial de se sentir indispensable à la survie de son enfant…). D’un autre côté, elle descendrait de son piédestal et ça pourrait être une rupture brutale du transfert. Comme avec S. pendant les vacances post-bac, comme avec ML après l’épisode du faux-accident dans le métro, comme avec M. depuis que je me suis aperçue qu’elle buvait. Etc. etc.

Je découvre que ça m’arrange bien qu’elle soit en vacances. Parce que ce sont des sujets qu’il faudrait que j’aborde avec elle, il faudrait que j’aborde mon transfert, j’y pense souvent ces jours-ci, oh la la il va falloir que j’attende huit semaines alors qu’il aurait fallu que je lui dise ça ou ça ou ça. Grosse mytho comme dirait ma girafe, comme si j’étais capable de la regarder dans les yeux pour lui expliquer que bon, je suis en transfert là, que je sais bien que c’est l’analyse blabla niania. Obligée de se cacher derrière mes nouvelles connaissances psy. Obligée d’enrober, de dédramatiser.

Heureusement, en septembre, je serais allongée.

J’ai du prononcer dix phrases aujourd’hui. Dont sept pendant le coup-de-fil-réglementaire de ma mère.

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